La profession libérale en pleine réforme, les Petites Affiches, 20 décembre 2001
LEGISLATION
Conduite depuis 1996 par Édouard de Lamaze, avocat à la Cour d'appel de Paris, la Délégation interministérielle aux professions libérales (D.I.P.L.) a pour mission d'élaborer de manière concertée puis de défendre les textes relatifs aux professions libérales. Tour d'horizon des réformes récentes à son actif.
Selon Édouard de Lamaze, "il existe aujourd'hui une vraie crise de maturité chez les professionnels libéraux, dont la situation a énormément évolué depuis la guerre. Il faut faire valoir la force économique de cet ensemble, qui représente 500.000 entreprises pour un chiffre d'affaires de près de 700 milliards de francs, afin d'obtenir un régime social et fiscal adapté à ses besoins".
Au chapitre des réformes récentes, figurent la récente ouverture des holdings aux professionnels libéraux, qui devrait notamment permettre aux juristes, en multipilant leur capacité d'investissement de mieux résister à la concurrence anglo-saxonne, ainsi que l'aménagement du bail professionnel, l'amélioration de la situation sociale des conjoints de professionnels libéraux et celles des professionnelles libérales en congé maternité.
L'ouverture des holdings aux professionnels libéraux
La loi Murcef (mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier) du 11 décembre 2001 (1) permet aux professions libérales, excepté les greffiers des tribunaux de commerce, de se regrouper au sein de sociétés de participations financières "ayant pour objet exclusif la détention des parts ou d'actions de sociétés ayant pour objet l'exercice d'une même profession".
Destiné à l'origine aux seuls avocats. le projet a été étendu à l'ensemble des professions libérales sous l'impulsion de la D.I.P.L. Pour Édouard de Lamaze, "nous sommes ainsi arrivés, non pas à une profession unique du droit, ce qui serait prématuré, mais à une unification et une coopération des acteurs juridiques". Pour limiter les risques, notamment d'ordre déontologique, liés à l'interprofessionnalité, la loi a mis en place diverses garanties, telles que l'obligation pour ceux exerçant une même profession de détenir plus de la moitié du capital et des droits de vote.
Edouard de Lamaze se veut rassurant: "je pense que nous sommes à l'abri des problèmes de déontologie et d'indépendance de chaque profession, les holdings n'étant pas des sociétés d'exercice. Cela permet aussi de ne pas remettre en cause les principes fondamentaux du secret professionnel de l'avocat, qui diffère de celui du conseil qui n'est pas avocat". Un décret en Conseil d'Etat précisera, pour chaque profession, les conditions d'application de la loi.
La réforme des baux professionnels
Un des principaux chantiers inities par la D.I.P.L. concerne la réforme du bail professionnel, contenue dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, pour l'instant non inscrit au calendrier parlementaire bien que déposé au bureau du Sénat.
Actuellement, ce bail d'une durée d'au moins six ans, auquel recourt deux tiers de la profession libérale, fait l'objet d'une législation minimale source de précarité pour nombre de professionnels, via l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986. Principales difficultés: la possibilité pour le bailleur de refuser sans motif le renouvellement du bail ainsi que le risque d'augmentation du loyer, qui est négocié directement entre les parties.
Pour y remédier, le projet de loi prévoit notamment que le propriétaire devra motiver tout refus de renouvellement du bail; par ailleurs, en cas de désaccord sur le loyer, chaque partie pourra saisir le juge deux mois avant terme pour qu'il en fixe le montant. "Ce texte concerne au premier chef les professionnels libéraux de proximité qui sont attachés à un lieu d'exercice, explique Edouard de Lamaze, alors que les grandes structures, qui ont les moyens de négocier avec les bailleurs, se satisfont du régime des baux commerciaux". La réforme est aussi très attendue par une partie du secteur médical, notamment les radiologues, qui réalise des investissements en matériels lourds et dont la durée d'amortissements excède souvent six ans.
Le statut de conjoint collaborateur d'un professionnel libéral
L'article 46 de la loi de modernisation sociale, adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 19 décembre dernier, confère un véritable statut légal au conjoint collaborateur d'un professionnel libéral sur le modèle de ce qui existe dans la loi du 10 juillet 1982 pour les conjoints collaborateurs d'artisans et de commerçants. Ce texte devrait concerner environ 15.000 personnes, en majorité des femme âgées de plus de 50 ans.
Cette disposition leur reconnaît la possibilité de recevoir des "mandats exprès et limitativement définis" du conjoint chef d'entreprise pour accomplir des actes relatifs à la gestion et au fonctionnement courant de l'entreprise, ainsi que celle d'adhérer volontairement au régime d'assurance vieillesse des professions libérales.
Quant aux conjoints collaborateurs d'avocats, précise Édouard de Lamaze, "ils seront tenus au secret professionnel de droit commun, sous peine de voir mise en jeu leur responsabilité civile en cas de manquement".
Les professionnelles libérales en congé maternité
De nombreux politiques souhaitient appliquer aux professionnelles libérales concernées le régime des artisans et commerçants qui prévoit un droit au report de cotisations pour un trimestre d'accouchement. "Il n'en était pas question, s'emporte le délégué interministériel, et j'ai eu beaucoup de mal à faire valoir la spécificité des professions libérales, qui n'ont pas d'exploitation et ne peuvent se faire remplacer pour assurer l'intérim".
Mission accomplie. La loi de modernisation sociale prévoit, dans son article 10 quindecies, une exonération, pendant le trimestre suivant t'accouchement, du quart de la cotisation forfaitaire vieillesse pour les femmes professionnelles libérales, l'alinéa 2 de l'article concernant plus précisément les avocates, indépendantes ou non.